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Chapitre 8 Item 250 – UE 8 – Troubles nutritionnels chez le sujet âgé

Objectifs pédagogiques

Nationaux

  • Connaître les spécificités des troubles nutritionnels du sujet âgé

 

CNEG

  • Décrire les besoins nutritionnels du sujet âgé : besoins quantitatifs en énergie, protéines, glucides, eau et calcium ;
    besoins qualitatifs en lipides ; besoins en vitamines, minéraux et oligoéléments liés à des situations particulières
    (habitudes alimentaires, maladie, institutionnalisation).

  • Indiquer des paramètres utilisables en pratique quotidienne pour évaluer l’état nutritionnel des malades âgés.

  • Utiliser et interpréter une grille de dépistage de la dénutrition (MNA).

  • Décrire les causes de la dénutrition : dénutrition par carence d’apports et par hypercatabolisme.

  • Citer les causes de la dénutrition chez le sujet âgé.

  • Citer les conséquences de la dénutrition chez le malade âgé.

  • Savoir prescrire un support nutritionnel chez un malade âgé en situation d’agression.

     

     

L’équilibre nutritionnel de l’organisme est fragilisé au cours du vieillissement et le sujet âgé est particulièrement exposé au risque de dénutrition protéino-énergétique (DPE). Les réserves nutritionnelles sont amoindries par la fonte musculaire (sarcopénie). La DPE est la conséquence d’une diminution des apports énergétiques (carence d’apports énergétiques) et/ou d’une augmentation de la consommation énergétique de l’organisme (hypercatabolisme). Identifier précocement les différents troubles nutritionnels et les corriger sont une préoccupation permanente en gériatrie. La DPE est un facteur de mauvais pronostic qui est associé à un risque majoré de perte d’autonomie, de chutes, d’infections et de mortalité. Elle fait partie des causes majeures de vulnérabilité et de fragilité des individus âgés. En fin de vie, l’alimentation et l’hydratation sont guidées par la recherche prioritaire du confort du malade.

 

 

I Nutrition normale dans le grand âge
 

A Dépenses énergétiques chez la personne âgée

Les dépenses énergétiques ont plusieurs origines.
 

1 Dépense énergétique de repos
La dépense énergétique de repos constitue 60 % des dépenses énergétiques totales et parfois davantage lorsque l’activité physique est faible. Elle correspond au métabolisme de base, dépense énergétique « incompressible » nécessaire au maintien de la vie. Le métabolisme de base est faiblement diminué chez le sujet âgé en partie liée à la diminution de masse maigre. Le métabolisme de base rapporté à la masse maigre ne varie pas en fonction de l’âge et est de 26,5 kcal/kg/j.
 

2 Dépense énergétique liée à l’effet thermique des aliments
La dépense énergétique liée à l’effet thermique des aliments (transformation des aliments ingérés en nutriments utilisables) représente 10 % des dépenses énergétiques totales. Cet effet thermique est inchangé chez le sujet âgé.
 

3 Dépense énergétique liée à l’activité physique

Les dépenses énergétiques liées à l’activité physique représentent la part variable des dépenses. L’activité physique diminue avec l’âge. La dépense énergétique nécessaire pour assurer le même exercice physique est supérieure chez le sujet âgé. Pour la plupart des sujets âgés ayant une activité physique modérée (une heure de marche, de jardinage ou d’activité ménagère), la dépense d’énergie totale est de 1,3 à 1,4 fois le métabolisme de base.
 

B Besoins nutritionnels chez la personne âgée

Les apports recommandés pour la population française sont conseillés pour des sujets adultes en bonne santé afin que 95 % de la population consomme en quantité suffisante le nutriment considéré.

Les besoins énergétiques d’une personne âgée de 75 ans et plus en bonne santé sont proches de 30 à 35 kcal/kg/j, soit 1 800 à 2 100 kcal/j pour un individu pesant 60 kg.

En cas de DPE, ces besoins s’élèvent pour atteindre 30 à 40 kcal/kg/j dans les situations d’hypercatabolisme, correspondant à 2 100 à 2 700 kcal/j pour une personne dont le poids de forme est de 60 kg. En cas de DPE, les besoins énergétiques restent élevés tant que les marqueurs de l’inflammation restent augmentés et jusqu’à la correction de la perte de poids.

Les besoins en nutriments chez le sujet âgé en bonne santé sont semblables à ceux de l’adulte jeune. Les besoins en protéines pourraient même être légèrement supérieurs chez les personnes âgées. Une alimentation suffisamment abondante et variée permet aux sujets âgés en bonne santé de couvrir leurs besoins nutritionnels. Mais il est établi que, quel que soit l’âge, les sujets consommant moins de 1 500 kcal/j ne peuvent couvrir leurs besoins en vitamines et minéraux, même si leur alimentation est variée.
 

1 Besoins en eau

L’évaluation des besoins hydriques doit prendre en compte les conditions de vie du sujet âgé, son activité physique et son âge.

Le besoin hydrique quotidien total (tout volume liquidien compris) du sujet âgé vivant en milieu tempéré et ayant une activité physique moyenne est estimé entre 35 et 45 mL d’eau/kg/j, soit environ 2,5 L d’eau/j pour une personne de 60 kg. La moitié du besoin quotidien en eau est apportée par les boissons et l’autre moitié est apportée par les aliments et faiblement par les réactions d’oxydation des macronutriments.

Les apports viennent compenser les pertes hydriques qui sont de l’ordre de 1,5 L/j dans les urines, 900 mL/j de pertes insensibles par perspiration et 100 mL/j dans les selles.

Avec le vieillissement, certaines personnes réduisent leur consommation hydrique en raison d’une diminution :

  • de la sensation de soif physiologique dépendant de l’hypothalamus ;

  • volontaire de la consommation d’eau afin d’éviter des gênes au quotidien qui sont souvent source d’angoisse : accès aux toilettes, levers nocturnes, appel d’un soignant.

Par ailleurs, les besoins en eau augmentent significativement dans certaines situations pathologiques : fièvre, forte chaleur, diarrhée, vomissements.
 

2 Besoins en protéines

Les besoins protéiques représentent environ 12–15 % de la ration énergétique chez la personne âgée comme chez l’adulte plus jeune. Actuellement la ration recommandée en protéines est de 1,2 à 1,5 g/kg/j chez le sujet âgé de 75 ans et plus, afin de maintenir le bilan azoté à l’équilibre, en dehors de toute situation d’hypercatabolisme. Contrairement aux glucides et aux lipides, il n’y a pas de réserves de protéines. Toute augmentation du besoin métabolique en acides aminés se traduit par le catabolisme de protéines de l’organisme, notamment de protéines musculaires.

Les apports en protéines d’origine animale doivent représenter au minimum 60 % de l’apport protéique total. En effet, leur composition en acides aminés est mieux équilibrée que celle des protéines végétales. Toutefois l’appétence pour les préparations protéinées (notamment pour les viandes) est diminuée chez les personnes âgées.
 

3 Besoins en glucides

La ration globale en glucides représente 50–55 % de l’apport énergétique total. Le vieillissement s’accompagne d’un retard de sécrétion d’insuline et d’une insulinorésistance musculaire au glucose, favorisant les décompensations de type diabétique dans les états d’hypermétabolisme. Ainsi, les patients âgés doivent augmenter leurs apports en glucides complexes et réduire leurs apports en sucres simples qui doivent représenter moins de 20 % des apports glucidiques. En situation d’alimentation artificielle, il faut comme chez l’adulte plus jeune que le rapport glucides/protides soit compris entre 2,5 et 3.
 

4 Besoins en lipides

Les lipides représentent 35 à 45 % de l’énergie totale. Les besoins en acides gras essentiels sont de 9 à 10 g/j chez la personne âgée de 75 ans et plus, ce qui représente environ 1 cuillerée à soupe d’huile végétale chaque jour.
 

5 Besoins en vitamines

Les besoins des personnes âgées en vitamine D sont très rarement couverts par leur alimentation et par l’exposition au soleil. La carence en vitamine D est donc très fréquente chez le sujet âgé. Elle doit être corrigée car cette carence est source de fragilité osseuse, de faiblesse musculaire et de chutes.

Les déficits concernant les autres vitamines sont plus rares chez les sujets âgés vivant à domicile, du moins quand ceux-ci ont une alimentation suffisante et variée.

Les sujets hospitalisés ou en institution sont particulièrement exposés aux carences en vitamines B9 (folates), B12 et/ou C en raison d’une réduction de la consommation de fruits frais ou de la destruction de la vitamine C lors du réchauffage des aliments transportés par chaîne froide. Il peut exister une augmentation des besoins au cours de certaines situations pathologiques.

Le tableau 8.1 représente les apports vitaminiques recommandés pour une personne âgée de 75 ans et plus en dehors de toute pathologie ou carence.

 



6 Besoins en minéraux et oligoéléments

Les besoins en minéraux, qui apparaissent dans le tableau 8.2, concernent essentiellement le calcium, le phosphore, le fer et le magnésium.



 

- a Calcium

Les apports recommandés en calcium sont de 1 200 mg/j chez les sujets âgés de 75 ans et plus alors que les apports moyens sont de 700 à 800 mg/j. En effet, 85 % de la population âgée ne consomment pas les quatre produits laitiers quotidiennement recommandés ni des eaux minérales à forte teneur en calcium nécessaires pour atteindre ces apports.

Le calcium est absorbé selon deux mécanismes :

  • un mécanisme actif qui permet l’absorption d’environ 30 % du calcium ; ce processus vitamine D-dépendant, diminue avec l’âge et est très peu actif chez les sujets très âgés ;

  • un mécanisme passif dépendant de la concentration intra-intestinale du calcium et des apports calciques.

En pratique, un supplément calcique médicamenteux est souvent nécessaire chez le sujet âgé en bonne santé. Pour une bonne absorption ces apports médicamenteux ne doivent pas dépasser 500–600 mg par prise.

 

b Phosphore

Les besoins nets en phosphore sont de 800 mg/j. Le phosphore est contenu dans de très nombreux aliments : poissons, œufs, viandes, produits laitiers, fruits, céréales. Ainsi, même les sujets ayant de faibles apports alimentaires n’ont aucune difficulté à couvrir leurs besoins. La majeure partie du phosphore de l’organisme (700 g) est contenue dans l’os et les dents.

 

c Magnésium

Les apports en magnésium nécessaires sont estimés à 400 mg/j. Le magnésium est apporté par des aliments comme le chocolat, les fruits secs, les fruits de mer ou les céréales entières et, de façon non négligeable, par l’eau de boisson. La moitié du capital en magnésium (24 g) est contenu dans l’os. Les muscles squelettiques, le système nerveux et les organes à haute activité métabolique en comportent aussi beaucoup. Il est possible que les pertes excessives de magnésium apparaissent chez les sujets âgés malades, alcooliques ou diabétiques, et chez les patients traités par les diurétiques thiazidiques.

 

d Fer

Les apports recommandés en fer sont de 10 mg/j et sont généralement couverts par l’alimentation. Les carences d’apports hors apports ferriques insuffisants sont exceptionnelles en gériatrie. Les carences surviennent notamment en cas de saignement occulte, digestif ou gynécologique. Le fer le mieux absorbé est le fer héminique apporté par les viandes.

 

e Zinc

Le zinc est présent sous une forme bien assimilable dans les huîtres et les produits carnés. Les apports de 12 mg/j sont habituellement couverts chez les sujets âgés autonomes. Si le zinc sérique diminue chez les sujets âgés, il n’en est pas de même pour le zinc érythrocytaire. Les besoins augmentent en situation d’hypercatabolisme.
 

C Pièges et idées fausses

Certaines fausses idées reçues sur les besoins alimentaires (tableau 8.3) sont véhiculées par les personnes âgées elles-mêmes et sont à l’origine d’habitudes alimentaires inadaptées.

II Troubles nutritionnels et dénutrition protéino-énergétique
 

A Épidémiologie de la dénutrition protéino-énergétique

Le taux de prévalence de la DPE est très élevé dans la population âgée. Il varie fortement en fonction du contexte de soin et des critères utilisés pour définir la DPE. Ce taux est estimé entre 3 et 5 % chez les sujets âgés vivant à leur domicile, entre 15 à 40 % chez les personnes vivant en institution et atteint 50 % ou plus chez les personnes très âgées hospitalisées.
 

B Diagnostic de la dénutrition protéino-énergétique

L’évaluation de l’état nutritionnel et le repérage de la DPE font partie de l’évaluation gériatrique recommandée chez tout patient âgé fragile, notamment chez les personnes hospitalisées, vivant en institution et/ou dépendant.

Dans ses recommandations de 2007, la Haute autorité de santé a formulé des critères de diagnostic pour identifier facilement une DPE modérée ou sévère (tableau 8.4). La présence d’un critère suffit à poser le diagnostic. Mais si chacun des critères diagnostiques considéré isolément n’est pas très spécifique, la présence de plusieurs critères renforce le diagnostic de DPE.

1 Quantification des ingesta

La quantification des apports s’effectue par un relevé aussi précis que possible des quantités de chaque mets effectivement consommé par la personne âgée au cours de la journée. Ce relevé permet d’objectiver les patients ayant des apports insuffisants. En pratique, cette quantification est difficile et peut être réalisée par un diététicien. En l’absence d’un tiers fiable (membre de la famille ou aide-soignant), elle est difficile à obtenir. En consultation, un interrogatoire précis sur les apports lors de la journée précédente permet une première approche.
 

2 Échelles de détection

Les échelles de détection ont pour objectif d’identifier la DPE. Non coûteuses et facilement reproductibles, elles peuvent être utilisées par les médecins et par tout professionnel de santé formé à leur utilisation. Le Mini Nutritional Assessment(MNA) est couramment utilisé et évalue le risque de DPE de la personne âgée. Ce questionnaire composé de 18 items, utilise des critères issus de l’interrogatoire, d’une enquête alimentaire rapide, de l’examen clinique et des mesures anthropométriques (indice de masse corporelle, circonférence du bras et du mollet). Le score varie de 0 (moins bon état nutritionnel) à 30 points (meilleur état nutritionnel). Un score ≤ 17/30 atteste d’une DPE nécessitant une prise en charge adaptée. Un score de 18 à 23,5 indique une situation à risque de DPE qui doit être prise en compte par le médecin. Une version courte, le Mini Nutritional Assessment Short-Form (MNA-SF) est intéressante pour le screening car plus courte. Elle comporte les 6 premières questions du MNA et est cotée sur 14. Si le score du MNA-SF est > 11, l’état nutritionnel est considéré comme normal et il n’est pas besoin de poursuivre l’évaluation. Si le score est ≤ 11, l’échelle doit alors être remplie dans son intégralité. En cas de troubles cognitifs, cette échelle peut être renseignée avec l’aidant du sujet.
 

3 Données anthropométriques
 

a Perte de poids

Le poids doit être mesuré à chaque consultation et comparé aux mesures antérieures. En effet, la perte de poids involontaire est un marqueur simple, fiable et peu coûteux pour identifier une DPE chez les personnes âgées. Les variations de poids traduisent des modifications de la composition corporelle et notamment de la masse maigre sous réserve de l’absence de troubles hydriques. Une perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois signe une DPE modérée, tandis qu’un amaigrissement d’au moins 10 % en 1 mois ou d’au moins 15 % en 6 mois est un indicateur de DPE sévère. Il est nécessaire d’avoir une balance suffisamment large, stable et fiable pour que la personne âgée puisse s’y tenir debout. En cas d’impossibilité de la station debout, il faut utiliser des fauteuils de pesée ou des systèmes de pesée couplés au lève-personne.

 

b Indice de masse corporelle

L’indice de masse corporelle (IMC) se calcule selon la formule : poids (kg)/taille2 (m2). Chez un sujet âgé, le seuil est plus élevé que chez l’adulte jeune. Un IMC < 21 kg/m2 est en faveur d’une DPE. La mesure de la taille est parfois difficile, notamment lorsque les personnes souffrent de déformations rachidiennes ou ne peuvent se tenir debout droit sous une toise. Dans ces cas, il est possible d’utiliser la taille mentionnée sur la carte d’identité ou encore de l’estimer selon la formule de Chumlea en mesurant au moyen d’une toise pédiatrique la distance talon-genou qui est corrélée à la taille maximale atteinte au cours de la vie.

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Formule de Chumlea

  • Femme : taille (T) (cm) = 84,88 – [0,24 × âge (années)] + [1,83 × hauteur de jambe (cm)]

  • Homme : T (cm) = 64,19 – [0,04 × âge (années)] + [2,03 × hauteur de jambe (cm)]

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- c Circonférences des membres et plis cutanés

La mesure des circonférences de membres (avec un mètre de couturière) et des plis cutanés (grâce à un compas de plis de type Harpenden) sont d’autres techniques classiques d’évaluation de l’état nutritionnel. Les circonférences brachiale et du mollet estiment la masse musculaire, principal composant de la masse maigre et entrent dans le calcul du score MNA. Les plis cutanés tricipital et sous-scapulaire sont des reflets de la masse grasse. Ces mesures ne sont pas recommandées par la HAS pour le diagnostic de DPE et ne sont pas pertinentes dans le cadre du suivi de la DPE.
 

4 Biologie

Il existe quatre protéines nutritionnelles considérées comme des marqueurs biologiques de l’état nutritionnel et mesurant l’équilibre métabolique. Cependant, prises isolément, elles manquent de sensibilité et de spécificité. Elles sont utiles au dépistage, au diagnostic et au suivi de l’état nutritionnel. Il s’agit de l’albumine, la transthyrétine (ou préalbumine), la transferrine et la protéine vectrice du rétinol. Les deux premières sont les plus utilisées.

  • L’albumine a une demi-vie de 21 jours. Son taux plasmatique normal chez le sujet âgé en bonne santé est supérieur à 40 g/L. Des taux inférieur à 35 g/L et inférieur à 30 g/L font partie des critères HAS de DPE et de DPE sévère respectivement.

  • La transthyrétine a une durée de vie très courte, de 2 jours, et est un bon reflet des variations récentes des apports protéino-énergétiques. Une DPE est suspectée à partir d’un taux plasmatique < 0,2 g/L. Elle réagit très vite lors d’une renutrition et est utile pour le suivi.

L’albumine et la transthyrétine plasmatiques sont sensibles aux variations de l’état nutritionnel mais sont influencées par d’autres facteurs. En particulier le syndrome inflammatoire, l’insuffisance hépatocellulaire, le syndrome néphrotique peuvent induire une hypoalbuminémie. Une hémoconcentration ou une hémodilution peuvent aussi influencer la concentration de ces protéines.

Le dosage des protéines inflammatoires permet de préciser l’origine de la DPE. La protéine C réactive (CRP) a une demi-vie brève de 12 heures. Une concentration supérieure à 20 mg/L est en faveur d’une DPE par hypercatabolisme ou mixte. L’orosomucoïde a une demi-vie plus longue et est plus rarement utilisée.
 

5 Méthodes instrumentales

Ces méthodes instrumentales ne sont pas utilisées en pratique quotidienne pour évaluer l’état nutritionnel d’un patient. Elles sont actuellement réservées aux protocoles de recherche. L’impédancemétrie bioélectrique ou bio-impédancemétrie électrique est une technique non invasive et indolore permettant d’évaluer la composition corporelle (compartiments hydrique, masse maigre, masse grasse) grâce au passage d’un courant électrique. Elle est reproductible et peu coûteuse. L’absorptiométrie biphotonique à rayons X (DXA) est une autre technique non invasive et plus coûteuse permettant de mesurer les compartiments osseux, la masse grasse et la masse maigre. Ces techniques ne sont pas recommandées dans l’évaluation de l’état nutritionnel en pratique clinique.
 

C Causes de dénutrition protéino-énergétique

Les causes de DPE sont nombreuses et elles sont souvent multiples chez le même patient, indiquant le caractère multifactoriel de la dénutrition des personnes âgées. Deux grands mécanismes interviennent à l’origine de la DPE, l’insuffisance d’apports et l’hypercatabolisme, qui sont parfois associés.
 

1 Modifications physiologiques liées au vieillissement

Plusieurs modifications liées au vieillissement peuvent induire une diminution des apports alimentaires. Le vieillissement sensoriel s’accompagne d’une élévation du seuil des goûts et d’altérations de l’odorat et de la vision qui peuvent perturber les prises alimentaires. L’altération de la denture ou un mauvais état gingival ou des prothèses dentaires inadaptées peuvent aussi avoir un effet négatif sur les prises alimentaires.

Le nombre de cellules pariétales gastriques diminue avec l’avancée en âge. Il en résulte une hypochlorhydrie, source de retard à l’évacuation gastrique et parfois d’anorexie. L’hypochlorhydrie favorise une pullulation de bactéries consommatrices de folates. Le ralentissement du transit intestinal avec l’âge est responsable de stase intestinale, de constipation et de pullulation microbienne, facteurs qui peuvent gêner à terme les prises alimentaires.

Cependant, si le vieillissement est un facteur de vulnérabilité de l’état nutritionnel, il ne représente pas à lui seul une cause de DPE.

En situation de stress alimentaire avec augmentation des besoins, peu de personnes âgées sont capables d’augmenter spontanément leur alimentation.
 

2 Insuffisances d’apports alimentaires
 

- a Causes socio-environnementales et psychologiques

  • a Isolement social ou familial. Il s’aggrave avec l’avancée en âge et la disparition du conjoint ou des amis.

  • Il peut également s’agir d’une mauvaise utilisation des ressources.

  • Hospitalisation. Elle peut en soi être à l’origine d’insuffisances d’apports alimentaires pour les personnes âgées hospitalisées : nourriture peu attractive, insuffisance d’aide à alimentation pour les personnes dépendantes, repas sautés en raison d’examens.

  • Maltraitance, conflit psychologique, deuil.

  • Abus d’alcool (anorexigène).
     

b Régimes et traitements 

  • Les régimes diététiques restrictifs sont à déconseiller à un âge avancé, notamment le régime désodé strict qui est source d’anorexie. Dans certaines pathologies chroniques comme l’hypercholestérolémie, le diabète, l’hypertension une alimentation variée et équilibrée incluant des fruits et des légumes reste le meilleur conseil nutritionnel. Dans l’insuffisance cardiaque aiguë, le régime désodé peut être utile pendant la phase de décompensation ; il doit être élargi en situation d’insuffisance cardiaque chronique hors décompensation.

  • La polymédication est également une source d’anorexie, d’autant que certains médicaments modifient la sécrétion salivaire et/ou le goût des aliments (goût amer, métallique…).
     

c Diminution des capacités alimentaires 

  • Hygiène buccale défectueuse en raison d’une déshydratation, respiration bouche ouverte, médications anticholinergiques ou antimitotiques, radiothérapie ou d’une hypovitaminose.

  • Difficultés masticatoires en rapport avec une édentation ou une denture défectueuse (mauvais état ou appareillage inadapté).

  • Troubles de la déglutition liés à un accident vasculaire cérébral, une affection ORL, une maladie de Parkinson sévère, une démence avancée, ou une autre pathologie neurologique…
     

d Dépendance

Dépendance du sujet âgé pour les gestes de la vie quotidienne nécessaires pour s’alimenter et aide ne suffisant pas à compenser cette dépendance : capacité à se déplacer, à faire les courses, à préparer un repas, à s’alimenter seul ; désorientation et incapacité de planification.

 

- e Pathologies associées

  • Mycoses buccale et œsophagienne.

  • Maladies du tube digestif qui entraînent une diminution du drainage salivaire occasionnant des dysphagies et brûlures lors de l’ingestion des aliments, ainsi que des troubles du transit.

  • Troubles cognitifs et démences.

  • Dépression. L’anorexie est un des signes de la dépression. La prise alimentaire s’améliore lorsque la dépression est traitée.

  • Les cancers qui peuvent entraîner une anorexie sévère.
     

3 États d’hypercatabolisme

Les causes états d’hypercatabolisme sont nombreuses chez le sujet âgé et une enquête approfondie doit être menée devant une DPE non expliquée par l’insuffisance d’apports. De plus, de nombreuses situations associent les 2 mécanismes pour provoquer une dénutrition. La liste des causes de DPE proposée par la HAS est présentée dans letableau 8.5.

L’hypercatabolisme est déclenché lors de toute maladie provoquant une inflammation systémique intense et/ou prolongée :

  • pathologies infectieuses (hypermétabolisme lymphocytaire) ;

  • phénomènes de destruction tissulaire dans les accidents vasculaires cérébraux et infarctus du myocarde par exemple (hypermétabolisme phagocytaire) ;

  • situations de remodelage, de cicatrisation et de réparation tissulaire, telles que les tumeurs, les rhumatismes, les fractures ou les escarres (hypermétabolisme fibroblastique).

Un hypercatabolisme peut aussi être provoqué par des maladies qui ne s’accompagnent pas d’un état inflammatoire, comme l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance respiratoire ou l’hyperthyroïdie.

L’intensité et la durée de ce syndrome d’hypercatabolisme dépendent de la rapidité de guérison de l’infection, de l’étendue des lésions tissulaires et de la vitesse de cicatrisation.

Quel que soit le mécanisme d’activation du catabolisme, il y a hyperstimulation des monocytes et macrophages se traduisant par une augmentation du taux des cytokines pro-inflammatoires (interleukine-1, interleukine-6, tumor necrosis factor). Les cytokines ont un rôle central en orientant le métabolisme de l’organisme pour fournir aux cellules concernées (lymphocytes, phagocytes ou fibroblastes) les nutriments dont elles ont besoin. Le métabolisme hépatique est concerné et il y a réduction de synthèse des protéines de transport (albumine, préalbumine) pour permettre la synthèse des protéines de phase aiguë (CRP, orosomucoïde, macroglobuline…). Les cytokines ont aussi un effet anorexigène propre. Les sujets âgés sont particulièrement menacés au cours des états d’hypercatabolisme car leurs réserves (musculaire et calcique) ou leur régulation (métabolisme hydrique) sont diminuées. Au cours de ces états, il faut donc augmenter les apports en protéines et en eau.
 

D Conséquences et complications de la dénutrition

La DPE est à l’origine d’une atrophie cellulaire, d’une diminution des divisions cellulaires et d’une diminution du métabolisme cellulaire, donc de la disponibilité de l’ATP. Aussi, son retentissement concerne la totalité de l’organisme.
 

1 Conséquences de la DPE sur la fonction musculaire : la sarcopénie

La masse musculaire diminue au cours du vieillissement normal. Cette diminution liée au vieillissement et appelée sarcopénie, est d’environ 10 kg entre 20 et 80 ans, tandis qu’elle est plus importante chez les personnes malades. La sarcopénie est majorée par la réduction des apports alimentaires ou des activités physiques, la sédentarité, les maladies et l’alitement. Le diagnostic de la sarcopénie repose sur l’inspection du malade recherchant une amyotrophie généralisée et la mesure des circonférences des membres ainsi que de la force musculaire segmentaire. Toutefois, à l’intérieur même de la masse musculaire restante, on constate une réduction de la masse cellulaire active, remplacée par du liquide et de la masse grasse. D’où une altération de la qualité de la fonction musculaire.

Les conséquences de la sarcopénie sont nombreuses :

  • réduction des réserves en acides aminés (le muscle sert de « réserve » protéinique) dans les situations d’urgence telles une infection sévère ou une intervention chirurgicale nécessitant la mobilisation d’acides aminés pour la synthèse de protéines inflammatoires et pour le fonctionnement des cellules immunitaires ;

  • ralentissement de la motricité en raison de la diminution de la force musculaire avec impact sur la marche, fatigue, chutes, troubles du tonus axial, difficultés masticatoires, par exemple ;

  • altération de la thermorégulation et la sensibilité à l’insuline ;

  • diminution du capital minéral osseux par défaut de sollicitation.

La résultante étant la dégradation de l’autonomie fonctionnelle et de la qualité de vie.
 

2 Conséquences de la DPE sur les fonctions immunitaires

La DPE entraîne un dysfonctionnement immunitaire se traduisant sur la numération-formule sanguine par une lymphopénie. L’immunité à médiation cellulaire ainsi que l’immunité humorale et l’immunité non spécifique sont toutes les trois affectées. La DPE accroît la déficience immunitaire physiologique liée au vieillissement et favorise les infections. Ces dernières aggravent la DPE par l’anorexie qu’elles entraînent et l’hypercatabolisme ; d’où l’installation possible d’un cercle vicieux pouvant aboutir au décès du malade. Au décours d’une infection, le sujet âgé est plus dénutri, donc plus immunodéprimé et donc plus susceptible de faire une nouvelle infection, parfois d’origine nosocomiale, difficile à traiter.
 

3 Conséquences de la DPE sur les fonctions digestives et hormonales

Le ralentissement du péristaltisme intestinal induit une stase digestive et une constipation qui conduit parfois à la constitution d’un fécalome. L’élévation des taux circulants de cortisol, glucagon et catécholamines peut induire une hyperglycémie, à ne pas confondre avec un diabète authentique. Ici, l’insulinorésistance n’est que transitoire, même si parfois elle nécessite une insulinothérapie temporaire. Le taux circulant de T3 totale est diminué sans pour autant qu’il ne s’agisse d’une hypothyroïdie, la TSH étant normale (syndrome de basse T3).
 

4 Conséquences de la DPE sur la pharmacologie des médicaments

La DPE est responsable d’une baisse du taux d’albumine circulante. Certaines protéines circulantes, dont l’albumine, assurent la fonction de transport des médicaments. La diminution des protéines transporteuses secondaire à la DPE entraîne une augmentation la fraction libre de la molécule au niveau plasmatique et de ce fait expose au risque de toxicité car la fraction libre représente la fraction active des médicaments.
 

5 Déshydratation

La DPE s’accompagne d’une déshydratation. En effet, environ la moitié des besoins quotidiens en eau sont assurés par l’alimentation. Il est donc nécessaire de rechercher, et le cas échéant de corriger, une déshydratation en cas de DPE.
 

6 Conséquences des déficits en micronutriments

Les déficits en micronutriments (vitamines et oligoéléments) peuvent exister en l’absence de DPE quand l’alimentation est devenue monotone, cependant la DPE s’accompagne toujours d’un déficit en micronutriments.

La carence en vitamine D (et en calcium) aggrave la perte minérale osseuse due au vieillissement et peut se compliquer de fractures et de tassements vertébraux dans le cadre d’une ostéoporose de dénutrition. Cette dernière est également favorisée par l’augmentation de l’activité de cytokines pro-inflammatoires mobilisées dans le cadre de l’hypercatabolisme. La vitamine D a aussi un rôle important sur la fonction neuromusculaire.

Les déficits en vitamines du groupe B peuvent être à l’origine d’asthénie, de la survenue ou de l’aggravation (chez les patients déments) de troubles psychiques, d’encéphalopathie carentielle, de neuropathie, de pathologie cardiovasculaire (hyperhomocystéinémie), d’anémie et de déficit immunitaire (folates)

La carence en zinc entraîne une perte du goût et participe à l’entretien de l’anorexie. Elle induit aussi un déficit immunitaire et des troubles cutanés avec retard de la cicatrisation des plaies.
 

7 Conséquences globales sur la santé de l’individu

La DPE augmente la morbidité et la mortalité dans leur ensemble. En effet, les personnes âgées de 80 ans et plus hospitalisées décèdent 4 fois plus lorsqu’elles sont dénutries. Par ailleurs, elle multiplie par 2 à 6 la morbidité infectieuse de patients âgés. Cette augmentation du risque infectieux est liée à la carence en zinc, sélénium, cuivre, carotène, vitamines C et E vitamines B6, B9 et B12 qui sont soit des cofacteurs enzymes, soit des antioxydants (élimination des radicaux libres) soit les deux. Par ailleurs, les troubles psychiques sont constants, de la simple apathie à un syndrome dépressif, mais peuvent également simuler un syndrome démentiel.
 

8 Conséquences économiques

La DPE est un facteur de surconsommation des services de santé et d’augmentation de la durée d’hospitalisation. Les surcoûts sont estimés à 60 % à affection égale chez un sujet dénutri tandis que la durée d’hospitalisation est multipliée par 2 à 4. De plus, l’hospitalisation s’accompagne d’une évolution vers la perte d’indépendance, parfois à l’origine d’une institutionnalisation, ce qui plaide pour une prévention active de la DPE.


III Prise en charge nutritionnelle chez le sujet âgé
 

A Prévention de la dénutrition et hygiène de vie
 

1 Prévention générale de la dénutrition

L’alimentation ne se limite pas à l’ingestion d’énergie et de nutriments. C’est un acte essentiel de la vie. À un âge avancé de la vie, l’alimentation doit rester ou redevenir un plaisir, un moyen d’exprimer ses croyances et d’entretenir des relations sociales.

L’analyse de l’alimentation habituelle d’une personne âgée doit explorer les domaines suivants :

  • les revenus permettent-ils l’achat d’aliments variés ?

  • qui fait les courses et qui choisit les aliments ?

  • les aliments apportant des protéines, du calcium et des vitamines font-ils partie du menu ?

  • que sait la personne, ou ses aidants, des besoins en nutriments ?

  • la conservation des aliments garantit-elle l’intégrité des vitamines ?

  • qui prépare les repas ?

  • combien la personne fait-elle de repas par jour ?

  • les repas sont-ils pris seul ou en compagnie ?

  • la notion de « plaisir de manger » existe-t-elle ?

  • existe-t-il des repas pris en famille et des repas de fêtes ?

  • quelle est la quantité de liquides absorbée quotidiennement ?

En fonction des réponses à ces questions simples et essentielles, le médecin apprécie les habitudes nutritionnelles et peut donner des conseils de prévention si nécessaire. La prévention de la dénutrition des personnes âgées figure dans les objectifs des actions de santé publique des programmes nationaux nutrition et santé successifs ainsi que dans le plan national « Bien Vieillir ».
 

2 Hygiène de vie

Le meilleur moyen de maintenir un bon état nutritionnel et de lutter contre la sarcopénie est de garder une activité physique régulière, adaptée aux possibilités du sujet âgé. Il n’y a pas d’âge limite au-delà duquel l’activité physique serait contre-indiquée. La marche, les courses et la préparation des repas sont ainsi des éléments du maintien de l’autonomie. Lorsque la marche devient difficile voire impossible, la personne peut continuer à réaliser de petits exercices permettant de mobiliser les segments corporels. L’hygiène de vie comprend aussi l’hygiène corporelle buccale et dentaire. Les conseils visant à obtenir un arrêt des consommations d’alcool doivent tenir compte à cet âge avancé des situations d’abus et de leur retentissement sur la santé.
 

B Support nutritionnel d’un malade âgé en situation d’agression métabolique

Chez le malade âgé en situation d’agression métabolique, l’alimentation orale usuelle est le plus souvent insuffisante pour couvrir les besoins protéino-énergétiques augmentés. Il faut alors mettre en œuvre des moyens complémentaires capables de couvrir les besoins et d’apporter les nutriments nécessaires ; il s’agit de l’assistance nutritionnelle.

En cas d’hypercatabolisme, les apports nutritionnels doivent être augmentés : 30 à 40 kcal/kg de poids corporel par jour dont 1,5 à 2 g protéines/kg/j avec le même rapport glucides/protides (2,5 à 3). Il faut aussi augmenter les apports en eau de 0,3–0,5 L par degré au-dessus de 37 °C, et les apports en vitamines et oligoéléments aux environs de une à deux fois les apports nutritionnels recommandés. Les causes d’insuffisance d’apport sont presque toutes accessibles à la thérapeutique dans le cadre d’une prise en charge globale du sujet âgé. L’association entre les carences d’apports et les situations d’hypercatabolisme est fréquente et potentiellement grave. La prise en charge pour être efficace doit impliquer toute l’équipe intervenant autour de la personne âgée ainsi que son entourage. La participation d’un diététicien lorsque cela est possible est capitale. Le personnel de soin, la famille et le personnel de rééducation doivent aussi être mobilisés pour encourager les prises alimentaires et l’activité physique.
 

1 Moyens, techniques, solutions


- a  Alimentation enrichie

Cette méthode consiste à augmenter les apports protéiques et énergétiques. Elle est simple et sa mise en œuvre est facile. Il suffit d’ajouter en plus dans la préparation un œuf, du jambon en petits dés, du fromage riche comme le gruyère, du beurre, de la crème… Cela rend la préparation plus concentrée en protéine et/ou en calcium, plus onctueuse et plus agréable à manger, sans augmenter le volume alimentaire. Cette mesure devrait être mise en place pour toutes les personnes âgées ayant une DPE ou à risque de DPE, dès que les apports alimentaires diminuent. Toutefois, l’enrichissement de l’alimentation n’est pas suffisant en cas de DPE avérée.

 

- b Compléments nutritionnels oraux

La prise de collations (à 10 heures, au goûter ou avant le coucher par exemple) est un bon moyen d’enrichir naturellement l’alimentation. Ces collations doivent être proposées en première intention. Les préparations commerciales complètes (glucides, lipides, protides) ou compléments nutritionnels oraux (CNO) sont d’utilisation simple et de goût acceptable mais sont coûteuses et monotones si on ne veille pas à varier les produits et les saveurs. Tout comme pour l’enrichissement de l’alimentation, les CNO sont souvent insuffisants en cas de DPE sévère.

 

- c Nutrition artificielle

La nutrition artificielle est représentée par la nutrition entérale et la nutrition parentérale. Elles répondent à des indications particulières. Elles permettent de suppléer à une alimentation orale insuffisante ou défaillante. Leur mise en place doit toujours être associée à une réflexion éthique prenant en compte le pronostic, la motivation du patient âgé et sa qualité de vie. La nutrition entérale et parentérale présente des avantages concernant les apports nutritionnels mais aussi des risques. Elles sont contre-indiquées chez les patients âgés les plus fragiles et notamment en cas de démence évoluée. Ce sont des techniques temporaires qui nécessitent une réévaluation régulière. Enfin, la nutrition parentérale doit être temporaire.
 

Nutrition entérale

Si l’appareil digestif n’est pas défaillant, ce qui est le plus souvent le cas, la nutrition entérale est la technique la plus adaptée et la mieux tolérée par le sujet âgé. La mise en place d’une sonde nasogastrique doit être de courte durée. Elle permet de passer un « cap nutritionnel difficile ». Elle peut être remplacée après quelques semaines par une gastrostomie percutanée endoscopique et plus rarement par une duodénostomie ou une jéjunostomie. La pose d’une sonde nasogastrique ou d’une gastrostomie percutanée endoscopique doit résulter d’une concertation entre le médecin et le patient, et aussi avec son entourage, personne de confiance, famille, équipe de soins. Les principales complications sont la pneumopathie d’inhalation dont le risque peut être atténué par l’administration de la nutrition en position semi-assise ou assise et à des horaires adaptés au mode de vie du patient. L’alimentation entérale des malades ayant une démence évoluée est contre-indiquée du fait de la fréquence des accidents d’inhalation. Les apports caloriques doivent être augmentés progressivement pour atteindre la ration calorique optimale en quelques jours voire plus lentement si la dénutrition est ancienne.
 

Nutrition parentérale

La nutrition parentérale consiste à administrer les nutriments directement dans le compartiment sanguin par le biais d’une voie veineuse centrale. La voie veineuse périphérique n’est utilisable que pour des petites quantités sur quelques heures, la plupart des produits injectés étant mal tolérés sur cette voie.

La nutrition parentérale expose le malade aux risques d’hypervolémie, d’infection nosocomiale et de perturbations de l’équilibre hydroélectrolytique. L’utilisation d’une voie veineuse centrale nécessite des précautions d’entretien pour éviter des complications locales ou infectieuses. Dans un second temps, elle devra être remplacée par une chambre implantable. Comme pour la nutrition entérale, les apports caloriques doivent être augmentés progressivement.

 

d Hypodermoclyse

Ce terme désigne la perfusion de liquides dans le tissu sous-cutané essentiellement à des fins de réhydratation. C’est une technique fréquemment employée en gériatrie. On peut ainsi perfuser du sérum physiologique (NaCl 0,9 %) ou bien du sérum glucosé à 5 ou 2,5 %, avec du NaCl si nécessaire. Le soluté ne doit pas comporter de KCl ou de médicaments/nutriments. Le volume perfusé doit être inférieur à 1 500 mL/24 h et par site. Les principales complications sont locales (induration, hématome au point de perfusion) ou infectieuses (cellulite, sepsis). Bien évidemment, elle n’a pas d’intérêt chez les personnes âgées dénutries qui reçoivent déjà une alimentation artificielle.

 

e Activité physique

Lors de toute prise en charge nutritionnelle, la pratique d’une activité physique permet de rendre plus efficace la supplémentation nutritionnelle. Cet aspect est donc crucial. Chez les malades hospitalisés ayant une DPE, il s’agit le plus souvent de séances de kinésithérapie. Il est important de signaler cet objectif au kinésithérapeute pour qu’il ajuste sa prise en charge.
 

2 Suivi du patient âgé en situation d’agression métabolique

Quel que soit le support nutritionnel adopté, la tolérance et l’efficacité doivent être régulièrement évaluées :

  • par la clinique : surveillance régulière du poids, de la pression artérielle, de l’état d’hydratation, du transit digestif, de la position de la sonde gastrique ou du point d’insertion du cathéter ;

  • par la biologie : contrôle de la glycémie, du ionogramme sanguin, de l’équilibre acidobasique et des protéines nutritionnelles du plasma.

L’efficacité de la réalimentation/réhydratation est évaluée sur :

  • l’appétit, soit par une échelle simple ou mieux par la mesure des ingesta ;

  • la reprise de poids (toujours lente) ;

  • la guérison des infections ;

  • la cicatrisation des escarres ;

  • la reprise de la force musculaire qui intervient dès la première semaine de renutrition ;

  • l’augmentation des taux plasmatiques de la transthyrétine (rapide en quelques jours en cas d’efficacité) et de l’albumine (plus lente) ;

  • la diminution de la CRP, de l’orosomucoïde.
     

C Dimension éthique de l’alimentation artificielle chez un malade âgé

La stratégie nutritionnelle peut se résumer en trois étapes :

  • améliorer le pronostic ;

  • éviter les complications ;

  • assurer le confort.

La dimension éthique d’une décision médicale se réfère aux fondements de la philosophie. Les repères relèvent, d’un côté, d’une morale du « bien » d’origine aristotélicienne (traiter son malade avec tous les moyens à sa disposition…) et, de l’autre, d’une morale du respect de « l’autonomie » d’origine kantienne (chacun a le droit de décider de ce qui est le mieux pour lui-même…).

Des facteurs objectifs prédictifs du pronostic sont des aides de grande valeur. L’équipe gériatrique (médecins, infirmiers et aides-soignants) constitue le noyau au sein duquel doit s’organiser le débat. Il prend en compte les souhaits du malade, le pronostic, les difficultés techniques du traitement proposé, le résultat escompté, le confort du malade et sa qualité de vie.

La décision prise par l’équipe est le résultat d’un « consensus » remis en question régulièrement. L’avis de la famille peut être recueilli sans pour autant que la famille prenne part à la décision, pour éviter des conflits ou des situations de culpabilisation. L’attitude adoptée est proposée et expliquée à la personne de confiance et à la famille du patient. Les termes des lois relatives aux droits des malades du 4 mars 2002 (loi dite Kouchner) et du 22 avril 2005 (loi dite Léonetti) s’appliquent pleinement à toutes les décisions d’alimentation artificielle qui pourraient être envisagées chez une personne âgée dénutrie.
 

D Alimentation et hydratation en fin de vie
 

1 Préalables à l’alimentation

Traiter ce qui pourrait empêcher l’alimentation ou la rendre désagréable est essentiel :

  • traiter les douleurs ;

  • traiter les symptômes aggravant l’inconfort : dyspnée, constipation…

  • vérifier si les prothèses dentaires sont adaptées ;

  • assurer une hygiène buccale régulière : hydratation de la cavité buccale, bains de bouche avec des produits peu irritants.
     

2 Principes de l’alimentation en fin de vie

Il n’y a plus l’exigence d’efficacité nutritionnelle. Les efforts cherchent à assurer un bien-être physique et moral en maintenant la symbolique du repas lorsque le patient le souhaite :

  • respect des souhaits du malade ;

  • respect des habitudes alimentaires ;

  • petits repas fréquents (4 à 6/j) car mieux tolérés ;

  • texture des aliments proposés appropriée aux possibilités du malade : en cas de nausées, il est préférable d’offrir des plats froids et sans odeur. Les glaces, les crèmes et les yaourts sont souvent appréciés ;

  • présentation attractive des plats ;

  • recherche de la convivialité.
     

3 Hydratation en fin de vie

La déshydratation, par l’inconfort qu’elle peut provoquer, et l’hydratation par la technique artificielle à laquelle il faut recourir sont parfois source de désaccord au sein de l’équipe soignante ou avec la famille du malade.

Hydratation et déshydratation ont des avantages et des inconvénients qu’il faut utiliser en fonction de la situation propre au malade, en évitant toute attitude dogmatique (tableau 8.6).

Fiche de révision ECN

Besoins alimentaires des personnes âgées

Ils sont les mêmes que ceux d’un adulte plus jeune ayant le même niveau d’activité physique :

  • énergétiques : 30 kcal/kg/j (protéiques : 1–1,2 g/kg/j, glucidiques : 50–55 % des calories) ;

  • hydriques : 2 à 2,5 L/j, dont plus de la moitié par les boissons ;

  • calcium : 1 200 mg/j.

Ils sont couverts par une alimentation riche et variée, mais les apports insuffisants de calcium, vitamine D, C, B12 et folates sont fréquents.
 

Diagnostic de la dénutrition protéino-énergétique

Basé sur les critères diagnostiques de la HAS ; ils tiennent compte des éléments suivants :

  • perte de poids ;

  • index de masse corporelle ;

  • score à l’échelle MNA ;

  • taux d’albumine plasmatique ;

  • apports alimentaires (ingesta).
     

Causes de la dénutrition protéino-énergétique

  • Vieillissement.

  • Insuffisance d’apports : causes socio-environnementales, anorexie liée à des médicaments ou des maladies, perte d’indépendance fonctionnelle pour s’alimenter).

  • États d’hypercatabolisme, en particulier des maladies infectieuses et/ou inflammatoires.

 

Conséquences de la dénutrition protéino-énergétique

  • Fonte musculaire ou sarcopénie et ses conséquences (asthénie, chutes notamment).

  • Dysfonction immunitaire et susceptibilité aux infections.

  • Augmentation de la biodisponibilité des médicaments fortement liés aux protéines plasmatiques.

  • Hormonales : insulinorésistance transitoire.

  • Augmentation du risque d’hospitalisation, d’entrée en institution et mortalité.
     

Prise en charge de la dénutrition protéino-énergétique

Elle est basée sur :

  • augmentation des apports énergétiques, protidiques et protéiques ;

  • correction des facteurs étiologiques modifiables ;

  • associée à l’activité physique, toujours possible même si passive.

Il faut privilégier la voie orale pour augmenter les apports : enrichissement de l’assiette, apports de suppléments diététiques ; parfois il est nécessaire de recourir à l’alimentation/hydratation artificielle mais même dans ce cas, il faut privilégier au maximum l’alimentation orale ; dans les maladies chroniques évoluées, elle demande préalablement une discussion éthique visant à évaluer la pertinence du projet de soin.
 

Alimentation et fin de vie

Lors de la fin de vie, il n’y a plus d’exigence d’efficacité nutritionnelle, le confort doit être maintenu avant tout. Il est important de traiter ce qui pourrait empêcher l’alimentation ou la rendre désagréable :

  • traiter les douleurs ;

  • traiter les symptômes aggravant l’inconfort : dyspnée, constipation ;

  • vérifier si les prothèses dentaires sont adaptées ;

  • assurer une hygiène buccale régulière : hydratation de la cavité buccale, bains de bouche avec produits peu irritants.

Les figures et les dossiers cliniques sont disponibles seulement dans le livre ou le e-book.

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