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Chapitre 11 Item 129 – UE 5 – Troubles cognitifs du sujet âgé Item 106 – UE 4 – Confusion, démences

Objectifs pédagogiques

Nationaux
 

Item 129

  • Orientation diagnostique devant des troubles cognitifs du sujet âgé et principales causes.
     

Item 106

  • Diagnostiquer un syndrome confusionnel, savoir évoquer un hématome sous-dural chronique.

  • Diagnostiquer un syndrome démentiel, une maladie d’Alzheimer.

  • Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient en abordant les problématiques techniques,
    relationnelles, éthiques, organisationnelles consécutives à l’évolution de la maladie.

CNEG
Démences

  • Décrire les modifications anatomiques et neurobiologiques caractérisant le vieillissement cérébral.

  • Citer les facteurs de risque de la désafférentation sensorielle et sociale dans le fonctionnement cérébral.

  • Définir en les différenciant états confusionnels et syndrome démentiel.

  • Décrire les principes de la prise en charge en urgence d’un syndrome confusionnel.

  • Citer les principales étiologies d’un état confusionnel du sujet âgé.

  • Citer les critères diagnostiques de la maladie d’Alzheimer dans sa forme légère à modérée.

  • Expliquer l’intérêt et les limites d’un test du type du Mini Mental Status Examination (MMSE) de Folstein dans la détection d’un syndrome démentiel.

Les démences et la plus fréquente d’entre elles, la maladie d’Alzheimer sont des maladies chroniques qui ont en commun l’atteinte des fonctions cognitives. Elles sont fréquentes et leur prévalence augmente fortement avec l’âge. Aussi, leur relation avec le vieillissement cérébral a fait l’objet de nombreuses controverses. Les démences sont responsables d’une lourde invalidité et représentent pour les personnes âgées la cause principale de perte d’indépendance fonctionnelle et d’entrée en institution.

 

I Approche clinique des démences du sujet âgé
 

A Syndrome démentiel
 

1 Définition du syndrome démentiel

Le syndrome démentiel (ou démence) est défini comme un déficit des fonctions cognitives :

  • acquis ;

  • global (concerne la mémoire et d’autres fonctions cognitives) ;

  • chronique ;

  • chez une personne ayant un état de conscience normal (il se distingue en cela de la confusion mentale) ;

  • ayant un retentissement sur les activités sociales et quotidiennes.

Il faut noter que la notion de déficit indique une moindre performance, ce qui implique de tester ces fonctions. Les plaintes concernant la mémoire ne sont pas obligatoirement associées à une mauvaise performance de la mémoire.


• 2 Circonstances de découverte des démences

Elles sont nombreuses :

  • symptômes concernant la mémoire, venant du patient ou de l’entourage ;

  • dépression ;

  • troubles du comportement ;

  • perte d’indépendance fonctionnelle ;

  • chutes répétées ;

  • amaigrissement ou dénutrition ;

  • examen des fonctions cognitives chez des patients âgés fragiles.


 3 Diagnostic du syndrome démentiel

Ces diverses circonstances de découverte ne sont pas spécifiques du syndrome démentiel, mais elles imposent de réaliser une évaluation des fonctions cognitives pour approcher leur diagnostic. Le diagnostic de syndrome démentiel est basé sur une liste de critères (tableau 11.1).

Un point particulièrement important pour affirmer le diagnostic est la mise en évidence des perturbations du fonctionnement cognitif. Pour cela il faut évaluer les fonctions cognitives par des tests, et on ne peut pas se fier seulement aux symptômes des personnes.

L’évaluation cognitive de référence est celle pratiquée par un neuropsychologue, et fait appel à plusieurs tests évaluant différentes fonctions cognitives. Elle n’est pas réalisable en première intention et elle implique le recours à un centre spécialisé.

 

- a Détection de la démence en soin primaire et orientation des patients vers un centre spécialisé

Une première évaluation cognitive d’orientation doit être faite par le médecin en présence de ces circonstances de découverte. Le test le plus largement recommandé est le Mini Mental Status Examination. Il comporte 18 questions ou épreuves et son score varie de 0 à 30. Un score supérieur à 27 est normal, et un score inférieur à 24 est anormal. Entre ces deux scores, l’interprétation dépend de l’âge, et du niveau d’éducation du patient. Sa durée de l’ordre de 15 min est parfois une limite à son utilisation en médecine générale. D’autres tests d’évaluation cognitive plus rapides peuvent être réalisés comme alternatives au MMSE : test de l’horloge, test Codex (voir encadré), Memory Impairment Screen (MIS), test de 5 mots.

 

 

Évaluation cognitive rapide par le test Codex

 

Codex est un test ultrarapide (< 3 min) ayant une sensibilité de 92 % et une spécificité de 85 % pour le diagnostic de démence. Il est basé sur la combinaison d’une épreuve d’apprentissage et rappel de 3 mots et sur une version simplifiée du test de l’horloge.

On demande au patient de répéter et de mémoriser 3 mots simples (cigare, fleur, porte) énoncé oralement par l’examinateur. On remet au patient une feuille de papier avec un cercle de 10 cm de diamètre et on dit au patient qu’il représente le cadran d’une montre. On lui remet un stylo et lui demande d’inscrire les nombres visibles sur le cadran d’une montre sans modèle. Après cela, on lui demande de dessiner les aiguilles pour représenter une heure donnée par l’examinateur. Après cela, on lui demande de rappeler les 3 mots appris.

Si les 3 mots sont rappelés et si l’épreuve de l’horloge est normale selon un système de cotation simple, la probabilité d’une démence est très faible ; si ces 2 épreuves sont anormales, la probabilité d’une démence est très élevée. Dans les autres cas, le test est complété par 5 questions évaluant l’orientation spatiale : les réponses permettent de discriminer un groupe à faible risque de démence et un groupe à risque élevé.

 

 

Quel que soit le test utilisé, il faut adresser au spécialiste les personnes ayant un test anormal. Inversement, les personnes ayant un test d’évaluation cognitive normal sont à faible risque d’avoir un syndrome démentiel. Il importe de rechercher d’autres causes à leurs symptômes et de suivre leur évolution.

 

- b Évaluation des patients en centre spécialisé

Il est possible d’adresser les patients à des consultations mémoire. C’est un dispositif intéressant pour faire le diagnostic des syndromes démentiels. Elles disposent de médecins spécialistes (gériatres, neurologues) et de neuropsychologues et d’accès à des centres d’imagerie cérébrale. Il est possible aussi d’adresser les patients à des spécialistes neurologues ou gériatres. Pour le diagnostic de syndrome démentiel, le spécialiste se base sur l’évaluation détaillée des fonctions cognitives faite par le neuropsychologue et sur les données de son examen. En cas de syndrome démentiel, le spécialiste réalise l’enquête étiologique basée sur l’examen clinique, l’imagerie cérébrale et quelques examens biologiques.
 

4 Diagnostic différentiel du syndrome démentiel

En premier lieu, il faut différencier un syndrome démentiel d’une confusion mentale, principalement par le mode d’installation et l’existence de troubles de la vigilance.

D’autres situations peuvent être identifiées :

  • patient avec plainte mnésique et évaluation cognitive normale ;

  • patient ayant un déficit cognitif isolé sans correspondre aux critères de démence : par exemple altération de la mémoire sans atteinte d’autres fonctions cognitives. Il s’agit d’un syndrome appelé « déclin cognitif léger ou mild cognitive impairment » (MCI). Le suivi des personnes ayant un MCI montre qu’environ 1/3 d’entre elles évoluent vers un syndrome démentiel, habituellement de type maladie d’Alzheimer.

Dans ces deux situations, il faut rechercher :

  • des troubles anxieux ;

  • une dépression ;

  • un syndrome d’apnée du sommeil ;

  • le rôle éventuel de médicaments ayant des effets négatifs sur la cognition : médicaments psychotropes, sédatifs, et/ou ayant des propriétés anticholinergiques.


• 5 Diagnostic étiologique du syndrome démentiel

Le diagnostic étiologique du syndrome démentiel est basé sur les données de la clinique (mode d’installation des troubles, mode évolutif, symptômes associés, examen clinique) et sur les données de l’imagerie cérébrale (IRM ou à défaut scanner cérébral). Les examens biologiques et le profil neuropsychologique peuvent aussi aider ce diagnostic. Lorsque ce bilan de première intention ne suffit pas à déterminer l’origine d’un syndrome démentiel, d’autres examens peuvent être utiles : EEG, imagerie cérébrale isotopique (TEMP, TEP), marqueurs du LCR.


B Maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer (MA) représente environ 80 % des causes de démence en Europe. Le tableau clinique et signes histologiques ont été décrits par Aloïs Alzheimer en 1906. Elle est caractérisée par une perte neuronale prédominant dans le cortex temporal et l’hippocampe, et la présence en grand nombre de lésions caractéristiques : dégénérescence neurofibrillaire dans les neurones, et plaques séniles dans l’espace extracellullaire. Les premières sont principalement formées de protéines tau anormalement phosphorylées et les secondes de protéines amyloïdes insolubles (protéine A-bêta-amyloïde).

L’acétylcholine est le neuromédiateur le plus diminué dans la maladie d’Alzheimer. Parmi les médicaments disponibles pour cette maladie, certains visent à maintenir le taux d’acétylcholine résiduel en inhibant l’enzyme de dégradation, l’acétylcholinestérase.

À l’inverse, les médicaments ayant un effet anticholinergique majorent la symptomatologie de la maladie d’Alzheimer ou peuvent la révéler en induisant une confusion mentale.


• 1 Épidémiologie, facteurs de risque et évolution naturelle

Les causes et mécanismes physiopathologiques de la maladie d’Alzheimer sont inconnus. Parmi les facteurs de risque, le plus important est l’âge : l’incidence et la prévalence augmentent de façon exponentielle à partir de l’âge de 70 ans. Le second facteur est l’existence d’antécédents familiaux de la maladie. La présence du génotype 4 de l’apolipoprotéine E est un facteur de risque au niveau d’une population mais il ne peut être considéré comme un argument diagnostique individuel. D’autres gènes de susceptibilité ont été mis en évidence par des études sur l’ensemble de génome de sujets inclus dans des études épidémiologiques. Un bas niveau d’éducation est associé à un risque augmenté de maladie d’Alzheimer. Il existe de très rares cas de maladie d’Alzheimer « familiale » en rapport avec l’existence de mutations dont certaines ont été identifiées (gène de la préséniline 1, préséniline 2, amyloid protein precursor [APP]).

Les différents facteurs de risque et facteurs associés à un risque diminué (dits protecteurs) de la maladie d’Alzheimer sont résumés dans le tableau 11.2.

La maladie d’Alzheimer évolue vers une aggravation progressive en plusieurs années. On distingue plusieurs phases successives :

  • une phase asymptomatique dite préclinique ;

  • une phase clinique prédémentielle avec une dysfonction cognitive et des symptômes, mais sans syndrome démentiel (MCI) ;

  • puis la phase avec de démence de type Alzheimer.

  • Durant la phase de démence, on distingue plusieurs stades : léger, modéré, sévère, terminal. Aux stades sévères et terminaux de la maladie, une proportion importante des patients vit en institution (EHPAD ou centres de soins de longue durée).
     

2 Circonstances du diagnostic

Les symptômes observés sont très variables d’un sujet à l’autre. Leur installation est en général insidieuse et mal repérable dans le temps. La phase de début est généralement marquée par des troubles mnésiques pouvant rester longtemps inaperçus de l’entourage, mis sur le compte du vieillissement normal ou dissimulés par les patients.

Dans la forme typique, la maladie est caractérisée par des troubles de la mémoire des faits récents, des oublis répétés inhabituels et des difficultés d’apprentissage d’informations nouvelles. Les troubles de l’orientation temporelle précèdent habituellement ceux de l’orientation spatiale. Le déficit de mémoire est souvent sous-estimé ou parfois nié par le patient en raison d’une anosognosie associée. L’interrogatoire de l’entourage pour évaluer le retentissement de ce déficit mnésique au quotidien est donc une étape cruciale du diagnostic.

L’évolution de la maladie s’accompagne de l’atteinte d’autres domaines cognitifs : langage (aphasie), perception (agnosie) et habilité gestuelle (apraxie). L’aphasie, lorsqu’elle n’est pas apparente à l’entretien, peut être recherchée par les épreuves de dénomination d’objets ou d’images. Les troubles de la compréhension sont plus tardifs. L’agnosie est souvent définie comme un déficit de reconnaissance en l’absence de troubles perceptifs élémentaires. L’apraxie est définie comme un trouble de l’exécution des mouvements ne pouvant s’expliquer par une faiblesse musculaire, une atteinte sensorielle, un trouble de la coordination, des troubles attentionnels ou de compréhension. C’est surtout l’apraxie idéatoire (utilisation des objets) qui est handicapante au quotidien. En revanche, l’apraxie constructive est d’installation plus précoce.

Les symptômes cognitifs ne sont pas les seuls éléments qui peuvent conduire au diagnostic de maladie d’Alzheimer. Les autres circonstances de découverte du syndrome démentiel (voir I.A.2. p. 156 du même chapitre), peuvent aussi conduire à ce diagnostic.

Les critères diagnostiques du syndrome démentiel font référence au guide DSM-IV (voir tableau 11.1). Ces critères ne présupposent pas de mécanisme causal. Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer est basé sur d’autres critères développés par la NINCDS-ADRDA (tableau 11.3) qui permettent de poser le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable ou possible.

 

 

Tableau 11.3 Critères de la maladie d’Alzheimer du NINCDS-ADRDA.
 

1. Critères de maladie d’Alzheimer probable :

– syndrome démentiel établi sur des bases cliniques et documenté par le Mini Mental State Examination, le Blessed Dementia Scale, ou tout autre test équivalent et confirmé par des épreuves neuropsychologiques

– déficits d’au moins deux fonctions cognitives

– altérations progressives de la mémoire et des autres fonctions cognitives

– absence de trouble de conscience

– survenue entre 40 et 90 ans le plus souvent au-delà de 65 ans

– en l’absence de désordres systémiques ou d’une autre maladie cérébrale pouvant rendre compte, par eux-mêmes, des déficits mnésiques et cognitifs progressifs

 

2. Ce diagnostic de maladie d’Alzheimer probable est renforcé par :

– la détérioration progressive des fonctions telles que le langage (aphasie), les habiletés motrices (apraxie), et perceptives (agnosie)

– la perturbation des activités de vie quotidienne et la présence de troubles du comportement

– une histoire familiale de troubles similaires surtout si confirmés histologiquement

– le résultat aux examens standards suivants

– normalité du liquide céphalorachidien

– EEG normal ou siège de perturbations non spécifiques comme la présence d’ondes lentes

– présence d’atrophie cérébrale d’aggravation progressive

 

3. Autres caractéristiques cliniques compatibles avec le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable après exclusion d’autres causes :

– périodes de plateaux au cours de l’évolution

– présence de symptômes tels que dépression, insomnie, incontinence, idées délirantes, illusions, hallucinations, réactions de catastrophes, désordres sexuels et perte de poids. Des anomalies neurologiques sont possibles surtout aux stades évolués de la maladie, notamment des signes moteurs tels qu’une hypertonie, des myoclonies ou des troubles de la marche ;

– crises comitiales aux stades tardifs

– scanner cérébral normal pour l’âge

 

4. Signes rendant le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable incertain ou improbable :

– début brutal

– déficit neurologique focal tel que hémiparésie, hypoesthésie, déficit du champ visuel, incoordination motrice à un stade précoce

– et crises convulsives ou troubles de la marche en tout début de maladie

 

5. Le diagnostic clinique de maladie d’Alzheimer possible :

– peut être porté sur la base du syndrome démentiel, en l’absence d’autre désordre neurologique, psychiatrique ou systémique susceptible de causer une démence, et en présence de variante dans la survenue, la présentation ou le cours de la maladie

– peut être porté en présence d’une seconde maladie systémique ou cérébrale susceptible de produire un syndrome démentiel mais qui n’est pas considéré comme la cause de cette démence

– et pourrait être utilisé en recherche clinique quand un déficit cognitif sévère progressif est identifié en l’absence d’autre cause identifiable

 

6. Les critères pour le diagnostic de maladie d’Alzheimer certaine sont :

– les critères cliniques de maladie d’Alzheimer probable 

– et la preuve histologique apportée par la biopsie ou l’autopsie

3 Modalités de diagnostic
 

- a Évaluation clinique en milieu non spécialisé

En plus de l’interrogatoire et l’examen clinique habituel du patient, il faut mener un entretien avec un accompagnant identifié capable de donner des informations fiables sur le patient et sa vie quotidienne. Il faut notamment préciser :

  • les antécédents médicaux personnels et familiaux (antécédents familiaux de maladie d’Alzheimer) ;

  • les facteurs de risque et antécédents vasculaires ;

  • les traitements antérieurs et actuels, notamment les médicaments pouvant aggraver les troubles cognitifs ;

  • le niveau d’éducation et l’activité professionnelle actuelle ou passée ;

  • le mode de vie ;

  • rechercher une perte d’indépendance pour les gestes de la vie quotidienne, des modifications du comportement ou de l’humeur, des chutes ou un amaigrissement.

L’examen neurologique est en général normal dans la maladie d’Alzheimer.

Une première évaluation standardisée globale des fonctions cognitives peut être faite par le test du Mini Mental State Examination (MMSE) ou par un autre test d’évaluation cognitive rapide (voir I.A.3 pp. 156–157 du même chapitre).

Au terme de cette première évaluation, il est en général possible de suspecter la maladie d’Alzheimer devant des symptômes évocateurs et un test d’évaluation cognitive anormal. Il est important d’adresser le patient en centre spécialisé pour confirmer le diagnostic.

Si en dépit de la plainte mnésique, les fonctions cognitives appréciées par le MMSE ou des tests brefs de repérage, les activités de la vie quotidienne et le contexte clinique (absence de troubles de l’humeur et du comportement) sont normaux, il n’est pas nécessaire d’adresser le patient au spécialiste pour un bilan neurospychologique approfondi, mais il faut proposer au patient une évaluation cognitive comparative 6 à 12 mois plus tard.

 

- b Évaluation clinique en milieu spécialisé

L’évaluation clinique en milieu spécialisé (par exemple dans un centre mémoire) reprend l’évaluation initiale et la complète par un examen neurologique, cardiovasculaire, neuropsychologique et psychiatrique approfondi. De plus, est réalisé un bilan neurospsychologique qui évalue chacune des fonctions cognitives et tout particulièrement la mémoire épisodique, la mémoire sémantique, les fonctions exécutives, l’attention et les fonctions instrumentales (langage, praxie, gnosie, fonctions visuoconstructives, calcul). Les tests de mémoire verbale épisodique utilisent la technique de l’indiçage des informations apprises afin de distinguer les troubles de l’encodage et les troubles du rappel d’informations encodées.

 

- c Évaluation paraclinique

Des examens biologiques sont demandés afin de :

  • rechercher une cause autre que la maladie d’Alzheimer aux troubles cognitifs observés ;

  • rechercher une comorbidité.

Ils comprennent toujours les examens suivants :

  • thyréostimuline hypophysaire (TSH) ;

  • NFS, ionogramme sanguin, calcémie, glycémie ;

  • albuminémie ;

  • créatinine et sa clairance calculée.

Ils sont complétés, en fonction du contexte clinique, par le dosage de vitamine B12 et des folates érythrocytaires, un bilan hépatique (transaminases, gamma GT), ou des sérologies de syphilis, VIH ou de maladie de Lyme.

Une imagerie cérébrale systématique est recommandée pour toute démence de découverte récente. Le but de cet examen est de ne pas méconnaître l’existence d’une autre cause de démence que la maladie d’Alzheimer (processus expansif intracrânien, hydrocéphalie à pression normale, séquelle d’accident vasculaire, etc.) et d’objectiver une atrophie associée ou non à des lésions vasculaires.

L’examen de choix est une imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) comportant les séquences T1, T2, T2*, FLAIR et des coupes coronales afin de visualiser les hippocampes. Une atrophie des hippocampes est habituellement visible dans la maladie d’Alzheimer et l’importance de l’atrophie peut être cotée selon la gradation de Scheltens. En cas de contre-indication à l’IRM, une tomodensitométrie cérébrale sans injection de produit de contraste est réalisée.

Dans des cas atypiques et/ou de diagnostic difficile, d’autres examens peuvent être utiles : dosage de la protéine bêta-amyloïde et de la protéine tau dans le LCR, EEG, imagerie fonctionnelle (TEMP, TEP).

Une fois que le diagnostic de démence est posé, le diagnostic différentiel de la maladie d’Alzheimer est celui des autres causes de démence, principalement la démence à corps de Lewy et les démences frontotemporales. Avant l’apparition des critères de démence, il est très difficile de poser le diagnostic de maladie d’Alzheimer et son utilité clinique est faible en l’absence de traitement pouvant éviter l’évolution vers le stade de démence. Dans le cadre de la recherche, le degré d’atrophie des hippocampes, l’imagerie fonctionnelle avec des ligands de la plaque amyloïde ou les marqueurs du LCR ont apporté des informatives prédictives sans donner de certitude absolue quant à l’évolution vers la démence ou au délai de son apparition.

 

- d Annonce du diagnostic

Les recommandations de bonne pratique de la Haute autorité de santé rappellent que le diagnostic de maladie d’Alzheimer doit être communiqué au patient. Il doit être aussi communiqué à son aidant principal, bien sûr avec l’accord du patient. L’information du patient concernant son diagnostic est justifiée par ces éléments : droit du patient, nécessité éthique (principe de vérité), base nécessaire pour organiser la prise en charge, possibilité donnée au patient d’agir sur son futur (mandat de protection future, directives anticipées en particulier). L’information doit être réalisée par le médecin qui pose le diagnostic, sans brutalité, et aboutir à un plan de prise en charge. Il faut mentionner cette annonce dans le dossier médical et informer le médecin traitant de cette annonce.

Les réactions catastrophiques (effondrement émotionnel, crise d’angoisse) sont peu fréquentes, mais possibles. Certains patients ou aidants peuvent exprimer un déni.


• 4 Évolution et complications de la maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer évolue avec une aggravation progressive. Certaines complications sont fréquentes.

Les troubles du comportement peuvent survenir ou se majorer. Ils peuvent se manifester sous diverses formes :

  • agitation ; agressivité ;

  • vocalisation (ou agitation vocale) ; déambulation ;

  • comportement dépressif ou anxieux ;

  • apathie ; indifférence ;

  • délires ;

  • troubles du sommeil ;

  • troubles du comportement alimentaire ou sphinctérien ;

  • troubles du comportement sexuel.

La dépression est fréquente dans la maladie d’Alzheimer, notamment au stade léger ou modéré.

La perte d’indépendance fonctionnelle qui se majore progressivement, impose le recours à des aides humaines pour les actes de la vie quotidienne.

Les chutes répétées et leurs conséquences comme les fractures sont fréquentes. Elles sont liées aux troubles de la marche et aux troubles attentionnels.

La dénutrition protéino-énergétique est aussi une complication classique de la maladie d’Alzheimer. Son mécanisme est probablement plurifactoriel : dépendance pour s’alimenter, perturbation de l’appétit, atteintes neurologiques (hypothalamus, déglutition). Elle se traduit par une perte de poids et une augmentation de la vulnérabilité vis-à-vis des infections. Il est important de la prévenir et de la dépister précocement, par exemple au moyen d’une surveillance mensuelle et périodique du poids, la réalisation d’un test d’évaluation nutritionnelle comme le Mini Nutritional Assessment (MNA). L’éducation de l’entourage joue un rôle capital pour prévenir ou retarder cette complication. Dans les cas de démences évoluées, la nutrition artificielle s’est montrée inefficace et mal tolérée.

L’épilepsie est une complication fréquente de la maladie d’Alzheimer aux stades avancés. Le plus souvent il s’agit de crises partielles dont le diagnostic peut être longtemps méconnu s’il ne se produit pas de crises généralisées. La suspension de conscience, l’existence de mouvements anormaux, la survenue de symptômes évocateurs et très fluctuants dans la journée doivent faire rechercher une épilepsie.

La maladie d’Alzheimer diminue l’espérance de vie des patients. La médiane de survie après le diagnostic est de l’ordre de 4 ou 5 ans et dépend de plusieurs facteurs, comme le sexe, l’âge, la sévérité de la maladie.

Parmi les causes les plus fréquentes de mortalité citons les causes infectieuses et cardiovasculaires. Les infections respiratoires par exemple sont fréquentes au stade évolué. La perte de mobilité, la survenue de troubles de déglutition et/ou de micro-inhalations, l’affaiblissement immunitaire lié à la dénutrition et, éventuellement, les médicaments sédatifs peuvent participer à la physiopathologie de ces infections.


C Démences autres que la maladie d’Alzheimer

Les maladies neurologiques dégénératives et les atteintes cérébrales d’origine vasculaire ou traumatique sont d’autres étiologies du syndrome démentiel.
 

1 Dégénérescences lobaires frontotemporales

Les dégénérescences lobaires frontotemporales (DLFT) forment un groupe de maladies (tableau 11.4). Elles débutent le plus souvent avant l’âge de 65 ans et elles sont souvent familiales pouvant nécessiter le recours à une consultation génétique. La démence frontotemporale (DFT ou variante frontale ou comportementale), l’aphasie primaire progressive (APP) et la démence sémantique (DS) (variante temporale) sont 3 phénotypes de DLFT. La maladie de Pick fait partie des démences frontotemporales.

Les circonstances de découverte dépendent de la forme clinique : les symptômes reliés à la mémoire et la perte d’autonomie sont souvent au second plan dans les premiers mois, alors que les troubles du comportement (apathie, désinhibition), les symptômes psychiatriques (dépression) et/ou les troubles du langage sont au premier plan. Les troubles s’installent insidieusement et évoluent vers une aggravation progressive. Une réduction progressive et isolée de l’expression orale spontanée avec un manque du mot ou une anarthrie évoque une forme aphasique (aphasie primaire progressive). Un trouble de compréhension des mots isolés ou une perte de reconnaissance des visages ou des objets évoquent une démence sémantique. Parfois les symptômes sont proches de ceux de la maladie d’Alzheimer et le diagnostic différentiel à partir des seules données cliniques est parfois difficile.

En cas de suspicion de DLFT, il faut réaliser un bilan spécialisé dans un centre mémoire ou auprès d’un spécialiste (neurologue, gériatre). L’évaluation clinique détaillée, le bilan neuropsychologique et des examens d’imagerie IRM aident à poser le diagnostic. La mise en évidence de signes d’atrophie lobaire en IRM est tardive, et plus précocement l’imagerie TEMP montre une hypoperfusion/hypométabolisme lobaire contrastant avec un aspect IRM normal de la même zone. Les marqueurs du LCR s’ils sont dosés ne montrent pas de profil évocateur de la maladie d’Alzheimer.

2 Démences associées à un syndrome parkinsonien

Il s’agit d’un groupe de maladies neurodégénératives reponsables d’un syndrome démentiel de type sous-cortical :démence à corps de Lewy, démence liée à la maladie de Parkinson, paralysie supranucléaire progressive, dégénérescence corticobasale, atrophie multisystématisée, chorée de Huntington.

La démence à corps de Lewy peut comporter les symptômes et signes suivants : hallucinations visuelles, troubles cognitifs fluctuants, touchant de façon prédominante les fonctions exécutives et visuospatiales, symptômes parkinsoniens, cauchemars, troubles du sommeil paradoxal (agitation nocturne), somnolence diurne et fluctuations de la vigilance, chutes, pertes de connaissance inexpliquées, idées dépressives ou délirantes. Dans l’anamnèse on retrouve parfois une très mauvaise tolérance aux neuroleptiques. L’examen montre un syndrome extra-pyramidal. L’imagerie cérébrale isotopique par TEMP avec les radioligands des transporteurs de la dopamine montre un aspect caractéristique. La survenue de troubles cognitifs plusieurs années après l’apparition d’une maladie de Parkinson idiopathique est en faveur d’une démence parkinsonienne.

3 Démences vasculaires

Les démences vasculaires résultent généralement d’accidents vasculaires cérébraux multiples et bilatéraux : infarctus, lacunes, mais aussi hémorragies. Elles peuvent aussi résulter d’une microangiopathie hypertensive. On distingue plusieurs formes anatomocliniques de démence vasculaire : démence corticale par infarctus multiples, démence sous-corticale avec multiples lacunes et/ou leucoaraiose, et démence avec infarctus unique stratégique (noyaux gris centraux notamment).

Au plan évolutif, on distingue plusieurs types de démences vasculaires, dont :

  • une forme comportant un lien chronologique entre un épisode cérébral vasculaire et l’apparition ou l’aggravation d’un trouble cognitif, évoluant par à-coups ;

  • une forme plus progressive évoquée sur un profil de troubles neuropsychologiques prédominant sur les fonctions exécutives et comportementales (apathie, hyperémotivité et irritabilité).

Le diagnostic de la démence vasculaire s’appuie sur la présence de symptômes et signes neurologiques focaux et de facteurs de risque vasculaire (notamment hypertension artérielle et diabète), et d’une imagerie cérébrale montrant des lésions vasculaires multiples et bilatérales. Dans des cas plus rares, on peut trouver un contexte particulier de maladies dysimmunitaires ou d’antécédents familiaux : Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with Subcortical infarctus and Leukoencephalopaphy (CADASIL).

L’association entre lésions cérébrovasculaires et lésions dégénératives est fréquente (démence mixte), particulièrement chez le sujet âgé ayant des troubles cognitifs. Il est souvent difficile de reconnaître le rôle de chacun des deux processus sur le tableau cognitif. Les deux pathologies doivent être prises en charge.

4 Autres démences

Les autres maladies responsables de démence sont rares :

  • hydrocéphalie chronique ;

  • séquelles d’anoxie ou d’intoxication au CO ;

  • séquelles de méningo-encéphalite ;

  • neurosyphilis ;

  • démence liée au VIH ;

  • maladie de Creutzfeldt-Jakob ;

  • tumeur cérébrale ;

  • hématome sous-dural ;

  • alcoolisme.

II Prise en charge et traitement des démences du sujet âgé

A Prise en charge et traitement de la maladie d’Alzheimer

La prise en charge du patient atteint de la maladie d’Alzheimer est complexe. La finalité de la prise en charge est de :

  • préserver la qualité de vie du patient ;

  • maintenir ses capacités fonctionnelles en agissant sur la cognition, l’humeur, le comportement et l’état somatique ;

  • et compenser la perte d’indépendance fonctionnelle.

La nature de cette prise en charge dépend du stade de la maladie et varie avec le temps. Elle doit s’adresser au patient dans sa globalité tout en tenant compte de son entourage social et familial. La maladie d’Alzheimer est prise en charge par l’Assurance maladie dans le cadre des affections de longue durée (ADL n° 15).

1 Médicaments de la maladie d’Alzheimer

Les médicaments de la maladie d’Alzheimer comportent 2 classes thérapeutiques :

  • inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (IACE) ;

  • antagoniste des récepteurs glutamatergiques NMDA (mémantine).

Les IACE agissent en augmentant la concentration cérébrale d’acétylcholine. La mémantine agit en bloquant les récepteurs NMDA au glutamate et en atténuant la neurotoxicité de ce médiateur. Leurs actions cliniques portent sur les troubles cognitifs et l’autonomie fonctionnelle. Les essais contre placebo ont montré qu’ils n’amélioraient pas l’état des patients par rapport à leur état antérieur, mais que leurs bénéfices se manifestent au cours du suivi, les patients traités ayant des meilleurs scores cognitifs ou fonctionnels que les patients sous placebo. Ces effets se traduisent par une amélioration de la vie quotidienne des patients, montrée par les échelles subjectives remplies par l’entourage. L’amplitude de ces effets est modeste et surtout, ces médicaments n’empêchent pas l’aggravation de la maladie mais ils la retardent seulement. Leurs effets sur les échelles de comportement ne sont pas nets.

Dans la classe des IACE, 3 molécules sont disponibles : donepézil, rivastigmine et galantamine. Elles sont indiquées aux stades légers à modérés de la maladie d’Alzheimer. Les principaux effets secondaires sont des nausées, des vomissements, des diarrhées, des effets vagotoniques. La mémantine est indiquée dans les stades modérés à sévères. Le traitement est conduit en monothérapie et l’association IACE-mémantine n’est pas recommandée car elle augmente le coût du traitement sans renforcer l’efficacité. La durée du traitement est longue, car l’arrêt entraîne une aggravation de la situation clinique du patient.

Actuellement, de nombreuses molécules sont en cours d’expérimentation. Des voies prometteuses s’orientent vers la recherche de produits empêchant la formation des lésions neuropathologiques en intervenant sur la formation ou la dégradation de la protéine tau et la protéine amyloïde ou en empêchant la mort neuronale.

2 Autres médicaments et maladie d’Alzheimer

Il faut aussi optimiser le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire, car toute lésion cérébrovasculaire peut avoir des effets négatifs sur l’évolution du patient. En particulier, il faut optimiser la prévention cardiovasculaire, notamment par le traitement de l’hypertension artérielle et du diabète. La prescription des médicaments indiqués dans ces situations n’est pas modifiée par l’existence de la maladie d’Alzheimer.

Les médicaments sédatifs sont déconseillés, tout comme les médicaments ayant des effets anticholinergiques, en particulier des neuroleptiques. Ils ont des effets négatifs sur les capacités attentionnelles et la mémoire et favorisent les chutes et les troubles de la déglutition et les infections respiratoires. Les anticholinergiques s’opposent aux effets pharmacologiques des IACE. En plus de ces effets indésirables, les neuroleptiques peuvent induire des syndromes parkinsoniens et une augmentation de la mortalité cardiovasculaire.

En cas de dépression caractérisée, il est possible d’utiliser des antidépresseurs, en préférant les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et en évitant les antidépresseurs tricycliques (car fortement anticholinergiques). Toutefois, l’efficacité des antidépresseurs dans la dépression associée à la maladie d’Alzheimer semble modeste. En dehors de la dépression, les antidépresseurs n’ont pas d’indication dans la maladie d’Alzheimer.

En cas de troubles du comportement perturbateurs (agitation, agressivité, comportement moteur aberrant), il faut recourir à des approches non médicamenteuses et utiliser des médicaments seulement en cas de danger pour le patient ou l’entourage : dans ce dernier cas, les benzodiazépines ou les antipsychotiques atypiques peuvent être utilisés transitoirement dans le cadre de cures courtes (2 à 3 semaines). Le choix entre ces deux classes de médicaments doit être basé sur la symptomatologie prédominante (anxiété versus idées délirantes). Les effets indésirables de ces médicaments sont nombreux et les patients qui les reçoivent doivent être étroitement surveillés.

Divers médicaments sont proposés pour les troubles de mémoire (vitamine E, gingko biloba, piracétam…) mais leur efficacité dans cette indication n’est pas établie.

3 Prise en charge non médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer

a Actions non médicamenteuses envers le patient

- Conseils et mode de vie

Le maintien, voire la restitution temporaire de certaines capacités, passe par un certain nombre de conseils donnés au patient et à son aidant :

  • maintenir un bon état physique : encourager la marche par des promenades quotidiennes ;

  • La notion de plaisir est à rechercher ;

  • maintenir une vie sociale : garder le lien avec des amis en les avertissant des difficultés du malade, fréquenter les magasins, les restaurants, les lieux de culte…

Il existe un risque que l’entourage prive le malade de toute activité et de tout contact par honte et par crainte. Cela ne peut qu’aggraver le déclin des capacités fonctionnelles restantes.

- Prévention et compensation de la perte d’indépendance fonctionnelle

En cas de perte d’indépendance débutante (stade léger de la maladie), on peut proposer un programme de réhabilitation par un ergothérapeute ou un psychomotricien (équipes spécialisées Alzheimer mises en œuvre dans le cadre du plan Alzheimer). Lorsque le patient a besoin d’aide pour les gestes de la vie quotidienne, il faut mobiliser des aides professionnelles. Il peut s’agir du passage de services de soins infirmiers à domicile, d’une auxiliaire de vie ou encore de portage de repas à domicile. Il faut faire une demande d’attribution de l’allocation personnalisée d’autonomie, une prestation sociale qui permet au patient de financer ces services.

- Prise en charge au domicile par un gestionnaire de cas

L’utilité de l’intervention à domicile d’un gestionnaire de cas est soulignée par plusieurs études. Il s’agit généralement d’un professionnel de santé qui évalue la situation médicale et sociale du patient et la situation de l’entourage d’une façon protocolée et qui donne des conseils et/ou oriente le patient en fonction de ses besoins personnels. Surtout il assure un suivi et un accompagnement du patient et de l’aidant. Il travaille en lien avec le médecin généraliste et le plus souvent il est soutenu par une équipe hospitalière spécialisée dans la prise en charge de ces malades. En France, le plan Alzheimer a créé les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA) qui envoient au domicile des malades Alzheimer dits complexes un gestionnaire de cas. Les malades complexes sont ceux dont la prise en charge au domicile est particulièrement difficile en raison de troubles du comportement, de refus de soin, d’une dépendance sévère et/ou du fait d’un isolement. Aussi l’intervention des MAIA ne concernant pas tous les patients Alzheimer mais seulement ceux dont la situation est particulièrement difficile.

- Thérapies non médicamenteuses

Plusieurs types de thérapies non médicamenteuses des patients ont été essayés, mais leur efficacité n’est pas bien établie. En voici quelques exemples : groupes de stimulation de la mémoire, prise en charge par un orthophoniste, ateliers d’arthérapie (peinture, modelage, musicothérapie, aromathérapie), stimulation multisensorielle, thérapie assistée par des animaux de compagnie (pet-therapie). À côté de ces thérapies non médicamenteuses, on peut proposer aussi des activités occupationnelles, le plus souvent en groupe. Ces prises en charge sont le plus souvent mises en œuvre dans les institutions ou dans les centres de jour et il est plus difficile de les proposer au domicile des patients. Même si leur efficacité n’est pas établie, ces activités doivent être encouragées, car il existe un indiscutable effet de bien-être pour le patient et de sentiment de soulagement et de déculpabilisation des proches.

En cas de troubles du comportement perturbateurs, il faut rechercher une pathologie somatique, un conflit, une maltraitance et agir sur les facteurs identifiés. De plus, il faut mener une action sur l’environnement du patient, toujours utile : induction d’un environnement matériel et humain sécurisant et bienveillant pour le patient, éviction des facteurs potentiellement agressifs, information de l’entourage du patient pour améliorer la tolérance de l’entourage.

 

b Actions envers l’entourage

La maladie d’Alzheimer entraîne un retentissement sur l’entourage du patient. Habituellement, un des membres de l’entourage devient « aidant familial principal » en s’investissant davantage que les autres dans l’aide au patient. Il intervient régulièrement auprès du patient pour veiller à son bien-être et à sa sécurité, pour l’aider à consulter et à se soigner et apporte un soutien affectif ; il occupe une place essentielle dans le projet thérapeutique du malade. Lorsque la maladie progresse, il prend souvent un rôle important pour l’aide aux gestes de la vie quotidienne. Dans certains cas, cette aide peut représenter pour l’aidant une charge mentale et physique difficile à supporter. Le système de santé prend en compte les aidants des malades Alzheimer et a souligné l’importance du soutien qu’il faut apporter à ces aidants, au travers notamment de conseils, de soutien psychologique et de renforcements positifs. Parmi les conseils à donner aux aidants, la Haute autorité de santé a insisté sur l’importance de leur rappeler de s’occuper de leur santé personnelle qu’ils ont tendance à négliger : consulter le médecin de famille, ne pas retarder ses soins médicaux du fait de la situation liée au parent malade, et pour les professionnels de santé être attentifs à la santé psychologique de ces aidants qui est souvent altérée.

Quelles aides peuvent être apportées aux aidants ?

  • éducation thérapeutique : certains centres spécialisés proposent des programmes destinés aux aidants de patients atteints de démences et permettent de mieux comprendre la maladie et de mieux utiliser l’aide professionnelle ; les interventions de ce type semblent retarder l’entrée en institution des patients ;

  • informations délivrées par les centres locaux d’information et de coordination (CLIC) de leur bassin de vie sur les aides disponibles localement ;

  • soutien par des associations de famille : les aidants peuvent y trouver de la solidarité, des informations, et souvent des groupes de parole ;

  • prise en charge de répit : elles consistent à procurer à l’aidant des périodes de temps libre sans avoir la charge du patient ; en pratique, cela consiste à s’occuper du patient de façon temporaire : une à deux journées par semaine en centre d’accueil de jour ou hôpital de jour ; séjour de deux à trois semaines en EHPAD. Dans le cadre du plan Alzheimer, ont été créées des plateformes d’accompagnement et de répit pour faciliter l’accès à ces structures ou services.

Certaines aides sont financées par la Sécurité sociale (hôpital de jour, soins infirmiers à domicile), d’autres sont à la charge du malade (protections palliatives pour incontinence, accueil de jour, hébergement temporaire, auxiliaires de vie, portage de repas). L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) peut être obtenue, sous condition qu’il y ait une perte d’indépendance fonctionnelle documentée par la grille AGGIR, pour financer en partie ces aides.

Certains patients atteints de syndrome démentiel sont isolés et n’ont pas d’aidant familial. Leur prise en charge est particulièrement difficile et leur risque d’être hospitalisé et/ou d’entrer en institution est élevé.

 

Le plan Alzheimer 2008–2012

 

Un plan de santé publique a été mené en France autour de la maladie d’Alzheimer et des troubles apparentés. Parmi ses 44 mesures, on peut souligner le soutien à la recherche clinique et fondamentale, l’amélioration de l’organisation des consultations mémoire et de l’accès au diagnostic et aux soins, le développement de systèmes d’aides pour les malades au domicile et leurs aidants, la création de structures de répit et d’unités spécifiques en institution, l’élaboration de guides de bonne pratique clinique, la création de nouveaux métiers et des actions autour de la formation des professionnels impliqués dans la prise en charge des patients.

 

4 Éléments de suivi

La maladie d’Alzheimer est une maladie chronique qui évolue sur plusieurs années. En moyenne, on admet que 80 % de la durée de la maladie se passe au domicile et 20 % (les phases terminales) dans les hôpitaux ou les institutions. Aussi, la surveillance du patient par son médecin généraliste est essentielle et doit être organisée conjointement avec un spécialiste de la mémoire, environ une fois par an.

Les éléments du suivi comportent :

  • score cognitif (score au MMSE) ;

  • degré d’indépendance fonctionnelle ;

  • humeur, sommeil et comportement ;

  • poids et état nutritionnel ;

  • détection ou suivi de comorbidités.

En ce qui concerne l’aidant, il faut porter une attention particulière à son équilibre psychologique, à sa santé physique, à la façon dont il vit la situation et aux questions qu’il se pose et des limites qu’il se fixe. Le sentiment de culpabilité est fréquent.

5 Sécurité et protection du malade et de son entourage

Le suivi doit être l’occasion d’examiner :

  • les risques liés à l’environnement (pour limiter les accidents domestiques) ;

  • les capacités du patient à la bonne gestion des médicaments ;

  • le rapport bénéfice/risque des divers traitements (révision de l’ordonnance) ;

  • la conduite automobile qui est déconseillée pour les patients atteints de démence ;

  • la capacité du patient à assurer la gestion administrative et financière ;

  • les relations du patient avec son entourage (pour éviter par exemple un épuisement des aidants qui peut être aussi source de maltraitance) ;

  • l’état de santé physique et psychologique de l’aidant.

Il faut aussi savoir présenter les mesures de protection juridique :

  • le mandat de protection future est une disposition très intéressante qui permet à un patient à un stade léger ou modéré de désigner par avance un mandataire de son choix. Un contrat doit être établi avec ce mandataire qui aura les fonctions de tuteur si l’évolution de la maladie rend le patient incapable de gérer ses biens ou sa personne ;

  • la sauvegarde de justice : mesure temporaire de courte durée renouvelable, non rétroactive qui permet de rendre réversible toute décision prise par le patient protégé alors qu’il est estimé qu’il existe un affaiblissement de ses facultés mentales. Son principal avantage est la mise en œuvre rapide qui la rend utile en cas de situation à problèmes en cours (dépenses inconsidérées, spoliation, notamment) ;

  • la tutelle est un régime d’incapacité complète. Elle est ouverte lorsque le patient a besoin d’être représenté de façon continue dans les actes de la vie civile. Il perd ses droits civiques et notamment son droit de vote.

B Prise en charge et traitement des autres démences

Comme pour la maladie d’Alzheimer, les autres démences ouvrent droit à une prise en charge dans le cadre des ALD (ALD n° 15).

1 Prise en charge médicamenteuse

Dans la démence parkinsonienne, un IACE, la rivastigmine est indiquée. Ce médicament est utilisé dans la démence à corps de Lewy.

Il n’y a pas de traitement spécifique de la démence vasculaire. Un premier aspect de la prise en charge consiste à contrôler les facteurs de risque cardiovasculaire. En cas de maladie d’Alzheimer associée à des lésions cérébrovasculaires (démence mixte), on peut prescrire un IACE, la galantamine qui s’est montrée efficace dans un essai randomisé de grande taille. Les études portant sur l’effet des IACE dans les démences vasculaires pures ont eu des résultats non concluants.

Il n’y a pas de traitement actif sur les DLFT. Les IACE ne doivent pas être utilisés car ils aggravent l’état de certains patients. Les patients ayant une démence frontotemporale avec troubles psychiatriques reçoivent souvent plusieurs psychotropes pour contrôler leurs symptômes, mais ils sont peu efficaces.

2 Prise en charge non médicamenteuse

Elle est semblable à celle proposée dans la maladie d’Alzheimer. La prise en charge des DLFT avec troubles psychiatriques et comportementaux est particulièrement difficile et ces patients sont souvent institutionnalisés.

Fiche de révision ECN

Définition

La confusion mentale correspond à une dysfonction cérébrale aiguë et réversible.

Elle est secondaire à une cause organique, métabolique, toxique ou psychologique.

Elle associe des troubles cognitifs, des troubles attentionnels, voire de la vigilance et des troubles psychiatriques.
 

Affirmer la confusion mentale

  • Mode d’installation aigu.

  • Troubles cognitifs : troubles de la mémoire à court terme, de l’attention et du langage.

  • Troubles de la vigilance, fluctuants.

  • Troubles psychiatriques : agitation anxieuse, délire, hallucinations.

  • Différencier la confusion mentale d’une démence.

  • Pathologie chronique, d’installation progressive.

  • Pas de trouble de la vigilance.

  • Mais un épisode de confusion mentale peut aussi survenir chez un patient atteint de démence.
     

Rechercher un facteur déclenchant

En se basant sur l’interrogatoire et le contexte, l’examen clinique et des examens simples : ionogramme sanguin, calcémie, créatinine, troponine, NFS, CRP, glycémie capillaire et l’ECG.

D’autres examens utiles sont réalisés en fonction des données obtenues : scanner cérébral, EEG, ponction lombaire, notamment.

Les principaux facteurs déclenchants sont :

  • médicaments anticholinergiques ou autres, toxiques ;

  • infections ;

  • troubles métaboliques ;

  • troubles neurologiques ou psychiatriques ;

  • syndromes coronaires aigus, insuffisance cardiaque aiguë ;

  • généraux (douleurs, occlusion, contention…) ;

  • intervention chirurgicale.
     

Rechercher un ou plusieurs facteurs de vulnérabilité

La survenue d’une confusion mentale traduit souvent une vulnérabilité cérébrale sous-jacente et doit faire aussi rechercher l’existence de facteurs prédisposants :

  • démence ;

  • âge avancé ;

  • dépression ;

  • déficit sensoriel ;

  • pathologies multiples ;

  • polymédication ;

  • dénutrition.
     

Prise en charge de la confusion mentale

  • Toujours correction des causes : facteurs déclenchants et facteurs de vulnérabilité modifiables.

  • Souvent hospitalisation : elle est discutée en fonction du contexte (possibilité de réaliser un bilan étiologique et un traitement approprié).

  • Parfois traitement médicamenteux sédatif : il n’est pas systématique. C’est un traitement de courte durée visant à contrôler ponctuellement les symptômes gênants. Si l’indication est retenue, faire appel aux benzodiazépines d’action courte si l’anxiété prédomine, ou bien aux neuroleptiques en cas d’hallucinations ou de délire.

  • Rarement contention : elle peut être utilisée ponctuellement si le patient est dangereux pour lui ou pour autrui et/ou pour permettre la mise en œuvre du traitement étiologique.

Les figures et les dossiers cliniques sont disponibles seulement dans le livre ou le e-book.

Pour accéder aux autres chapitres : LIEN

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